LAUDE

 

Présenté par Estelle Zunino
et traduit de l’italien et du latin
par Maxime Castro.

 

TROIS DATES FONDENT LA BIOGRAPHIE DE JACOPONE et son rapport au monde : 1268, 1278, 1298. Elles lient, selon un mouvement inversé mais semblable, l’histoire personnelle du poète à l’histoire politique et religieuse du XIIIe siècle.

En 1268, Jacopone, exerçant la fonction de procureur légal, se retire volontairement du monde pour entrer dans une vie faite de pénitence et de spiritualité. Un événement très personnel et tragique — la mort de Vanna, sa femme, et la découverte brutale et soudaine que Vanna s’efforçait de conjuguer une vie secrète de pénitence avec la vie mondaine et frivole qu’elle menait pour satisfaire les exigences sociales de son mari —, bouleversa Jacopone et fut le catalyseur de son changement de vie et de sa conversion.

Jacopone laisse donc le monde, et, selon le schéma traditionnel des vies de mystiques ou de saints médiévaux, sa nouvelle vie est le contraire de sa vie mondaine précédente. La première était marquée par l’orgueil, l’avarice, l’amour de soi, les plaisirs mondains, la seconde est faite d’humilité, de haine de soi, de pauvreté, de pénitence. De son propre aveu, Jacopone choisit la vie de pénitent errant — de bizzoco — pendant dix ans (cf. lauda 53, 127-130). Ainsi ne rejoint-il pas directement l’Ordre franciscain, mais il revêt l’habit de bizzoco constitué d’une tunique grise ou bise, confectionnée dans un tissu grossier, et ressemblant à l’habit des franciscains.