ROSSO DI SERA

 

 

(Traduit de l’italien [Tessin] par Adèle Realini.)

 

JE VAIS VOUS RACONTER COMMENT LE GRAND-PÈRE se laissa prendre par des idées bien à lui. Il était en montagne depuis longtemps déjà, avec les deux ou trois vachettes, et les jours impairs tante Aglaé décrochaitle sac à dos du clou, l’ouvrait et disait : « Qu’est-ce que je dois apporter, cette fois-ci, au grandpère ? ». On trouvait alors toujours quelque chose : un saucisson sec, un morceau de fromage, deux miches de pain et la fiasque de vin, juste une seule, et même qu’on y rajoutait un peu d’eau, je l’ai vu.

« Pourquoi donc on y rajoute de l’eau ? », pensais-je : il me semblait qu’on faisait du tort à quelqu’un, je ne sais pas si c’était au vin ou carrément au grand-père. Et dire qu’à la cave, ils en avaient, du vin, plusieurs tonneaux, couchés dans cette obscurité humide qui sentait le champignon ; mais moi, à la cave, j’y étais allé rarement, ils cachaient la grosse clé parce que grand-père, lui, il aurait passé sa vie là-bas, allongé entre les tonneaux avec son sourire un peu gêné et ses yeux tristes qui bougeaient lentement et qui mettaient un bon moment à trouver nos visages et nos airs de reproche.


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