CULTURE ET CIVILISATION

 

LA DIFFICULTÉ DE LA CONVERSATION tient parfois à ce que l’on use avec nous de mots dénués de sens, mais elle vient parfois de ce que les mots dont nous usons en ont plusieurs, entre lesquels on ne sait comment choisir.[1] Avouons d’ailleurs que si cette confusion les rend difficiles, elle n’est pas sans leur donner du charme. Si chaque mot n’avait qu’un sens, nos entretiens auraient l’austère laconisme d’un échange de formules scientifiques. On parlerait mieux, certes, mais peu et toujours pour instruire, rarement pour distraire, jamais pour charmer.

Qu’on le regrette ou non, nos langues n’ont pas cette rigueur et l’embarras redouble lorsqu’un même mot se retrouve dans deux d’entre elles, l’anglaise et la française par exemple. On est alors victime de ce qu’un philologue a si bien nommé « les faux amis » : ces mots qui nous invitent à croire que ce qu’ils signifient dans notre langue, ils le signifient aussi dans une autre. D’où des malentendus sans fin, comme on le vit en novembre 1945, lors de la conférence internationale qui se réunit

 


[1]Comme les textes inédits d’Étienne Gilson que nous avons publiés jusque-là, celui-ci est conservé sous forme tapuscrite (avec de rares corrections et ajouts manuscrits) aux Archives de l’University of St. Michael’s College à Toronto. Étienne Gilson a publié dans Le Monde, en 1946, des articles sur la philosophie de l’Unesco et sur l’éducation des Nations Unies ; il précise et développe ici sa pensée, dans les termes à la fois les plus clairs et les plus prophétiques. Nous remercions Mme Evelyn Collins, archiviste du St. Michael’s College, de nous avoir autorisés à publier ces pages.


Télécharger l'intégralité de ce texte en pdf

  • mars 2019
    • Le nouvel ordre moral Christophe Carraud

      Pax est tranquillitas ordinis. Thomas d’Aquin, S. Th., IIa IIae, q. XXIX, a. 1 ad 1.  COMMENÇONS par présenter nos excuses au lecteur, pour le retard inaccoutumé avec lequel cette livraison lui parvient. Quelques difficultés se sont jetées à la traverse, à quoi s’est ajoutée, avouons-le, une manière de découragement ; elle allait au-delà de la dose admissible d’à quoi bon, nous voulons dire la dose indispensable pour ne pas prendre ce que l’on fait pour la marque irrécusable des desseins de la Providence. Nous n’avons jamais eu, du reste, l’enthousiasme des commencements, ni abrité dans l’âme, par bonheur, le fanatisme entrepreneurial adhérant à son objet — ayant depuis longtemps, choix ou fortune, on ne sait, un tempérament à la Sisyphe, plutôt méditatif et forçat. Bref, le temps de nous débarrasser des effets les plus sensibles de ce fâcheux état, voilà que quelques mois s’étaient écoulés.  Ils ne furent pas chômés pour autant. Mais, dans leur libéralité, ils ont donné à l’un des thèmes...

      Lire la suite : Le nouvel ordre moral

  • juin 2013
    • WARUM ? BERNARD D’ASTORG

      CONFÉRENCE, Nº 36, printemps 2013. BERNARD D’ASTORG.   Historiens, chercheurs, étudiants connaissent maintenant parfaitement l’organisation et le fonctionnement du système de pression, de contrôle et de conditionnement d’un peuple en Allemagne, à peine remis de la guerre de 14-18, qui s’est voulu trop longtemps ignorant de la nature du régime qui le manipulait. Il faut rendre grâce à Serge Klarsfeld et au Mémorial de la Shoah d’avoir tant travaillé sur l’appareil SS qu’aujourd’hui, grâce par ailleurs à une bibliographie importante, il ne plus reste plus tellement de questions à se poser sur ce sujet. Une grande masse d’archives abandonnées dans leur fuite par les tenants du pouvoir est disponible et largement exploitée. C’est pourquoi la recherche se tourne maintenant vers le monde encore peu exploré de la vie à l’intérieur des camps, ce qui est bien différent et beaucoup plus difficile à cerner, car nous disposons surtout de récits réalisés avec une passion et une personnalisation bien...

      Lire la suite : WARUM ?

  • août 2012
    • MÉSAVENTURES DE LA MESURE. Conférence

      CONFÉRENCE, Nº 34, printemps 2012. CHRISTOPHE CARRAUD. PRENONS NOTRE TEMPS. Nous avons évoqué, dans le numéro précédent, cette absence de justesse, de proportion, qui caractérise tant de choses et de faits de l’époque où nous sommes ; qui dénature aussi tant d’esprits sans assiette ni consistance : occupés à goûter, dans l’encombrement des objets, flottement et dispersion intérieurs comme leur être propre, avec cette délectation qui chasse le tragique comme un mauvais rêve. Au prix de la plus factuelle des absurdités logiques et humaines, voici réifié l’« ondoyant et divers » cher à Montaigne. Eh bien, prenons le temps à présent de considérer cette idée très simple de la mesure dans quelques-unes des régions où elle est affectée, le droit, la médecine, les nouvelles technologies. Triomphe du commerce des quantités. Il était prévisible que l’idolâtrie des flux et de la communication aboutirait à la fois à l évidement des contenus et à l’isolement des consciences ; que la liberté serait...

      Lire la suite : MÉSAVENTURES DE LA...

  • juillet 2010
    • À nos abonnés, à nos lecteurs. CHRISTOPHE CARRAUD , PASCAL RIOU.

      CONFÉRENCE, Nº 30-31, printemps-automne 2010. CHRISTOPHE CARRAUD , PASCAL RIOU.    VOICI UN NUMÉRO DOUBLE, qui, comme la tradition l’exige, n’a de double que le nom : l’abondance ne se multiplie pas, elle est ou elle n’est pas. Lacopia verborum et imaginum, passé un certain seuil où elle se met à exister, comme les conditions de la pensée chez Aristote, tient du rythme et de l’invention plus que du nombre. Un numéro double valant, une fois n’est pas coutume, pour l’ensemble de l’année 2010, parce que les contraintes financières pèsent d’un poids auquel on doit céder. Oui, des contraintes d’argent ; il y en a d’autres, qui seront évoquées. Nous décrirons leur nature, parce qu’il arrive que les lecteurs se fassent une idée assez approximative des conditions nécessaires à l’existence de ce qu’ils lisent — et que la réserve et la retenue, sur ce chapitre comme sur d’autres, exigent que l’aménité et l’équilibre de l’esprit se fondent sur de tels combats que ceux-ci menacent parfois de...

      Lire la suite : À nos abonnés, à nos...