Sauvageonnes.
COLS ET CRÊTES que râpent les rafales, roches pulvérisées des moraines, champs d’éboulis où les eaux de fonte circulent, même les fractures du granit, la rive polie d’un glacier laissent éclore de ces fleurs arctiques qui ont gravi, ont colonisé l’alpe haute.
Plus bas végètent les ultimes pâtures, les landes à foins, les pentes d’herbe qui se noieront dans la rocaille. Que l’on grimpe des deux aux trois mille, et plus s’affirment les espèces, isolées ou par mosaïques. Lueurs dans l’étage minéral, elles piègent encore l’insecte à pollen. Glabres, velues, piquantes, duvetées, elles se disputent le sol ingrat : l’alpe fait naître une lutte des fleurs.
Dépendante de sa roche-mère, telle l’anémone à soufre nourrie d’acide et de silice, sous le givre estival ou le poids de la neige la fleur ne peut pas grandir : le tapis du silène acaule alors allonge ses racines pour fouiller le fond des fissures. Quelques-unes baignent dans l’eau glaciale du névé — soldanelles à clochettes roses, intense outremer des gentianes… Touffes maigres à têtes d’or, l’armoise surgit d’un nid de cailloux, d’une faille.