LAISSONS LA VILLE AUX SOCIOLOGUES.

(1977.)


Traduit de l’italien par Frédéric Lefebvre.


JE N’AIME PAS LES VILLES, et il ne me semble pas les avoir jamais aimées : même pas à l’adolescence, dans ma jeunesse, quand, à vivre dans un village, on se sent comme en prison.[1] Mon village me semblait bien une prison, mais l’évasion dont je rêvais n’était pas vers la grande ville. Le premier lieu qui donna forme à l’imagination, où je m’imaginai vivre, où j’aurais voulu vivre, fut Orvieto, dans un texte de lecture de cours moyen. Puis ce fut Sienne. Quand je connus ces deux petites villes, la réalité vint confirmer l’imagination. De même, je rêvai pendant des années à Todi, Gubbio, Certaldo, comme à des lieux où vivre. Aujourd’hui, je souhaite simplement retourner vivre dans le village où je suis né.



[1] 1 Titre original : « Lasciamola ai sociologi », in Com’è bella la città, Torino, Edizioni Stampatori, 1977, p. 89-92. Texte non repris dans les Opere en trois volumes édités par Claude Ambroise, ni dans aucun autre recueil ou dossier posthume, et inédit en français. Il m’a été signalé précisément par Claude Ambroise, que je remercie. Il s’agit d’une intervention orale, contemporaine de La Disparition de Majorana et Candido ou Un rêve fait en Sicile, deux ouvrages où Sciascia affirme avec force la quête d’un certain humanisme, contre le pouvoir des sciences en général (et des sciences politiques et sociales en particulier)......