MISÈRE DE L’ÉCRITURE

 

Traduit de l’italien par Ruth Gentili et Christophe Carraud.

 

Lettre à Marc’Antonio Piccolomini.

(1541.)

 

À Monsieur Marc’Antonio Piccolomini, à Macerata1.

 

VOUS AVEZ TOUCHÉ un point sensible, en me rappelant la misère de l’écriture. Car, hélas, j’ai tiré cette charrette — pour ainsi dire — depuis que j’ai commencé à fréquenter ce traître d’abécédaire. Tandis que vous ne connaissez ce malheur qu’en passant et par accident, j’y fus pour ma part — et j’y serai, je le crains — condamné à perpétuité. Vous,vous pouvez vous venger du supplice qu’elle vous fait subir avec ces reproches dont vous accablez le Beau Parleur2, et espérer vous en libérer avec son retour. Mais moi (puisqu’on ne peut faire que cette peste n’existe) je n’ai ici aucun remède, ni d’autre moyen d’épancher ma colère que de maudire Cadmos ou quelque autre fou pour avoir renoué avec cette malédiction.

 

1 Texte dans Annibal Caro, Lettere familiari, volume primo, dicembre 1531 – giugno 1546, a cura di Aulo Greco, Firenze, Le Monnier, 1957, pp. 220-228. D’après l’éditeur de ce volume, la lettre date de février ou mars 1541. Marcantonio Piccolomini est siennois, membre de l’Accademia degli Intronati. Restent quatre lettres de lui et son portrait comme interlocuteur du troisième dialogue des Dieci Paradosse (Milano, 1564) des Accademici Intronati de Sienne.
2 Annibal Caro désigne ainsi le siennois Antonio Barozzi, auteur de poèmes réunis dans le Primo volume della scielta di stanze di diversi autori toscani, Venezia, 1571, et membre de l’Accademia degli Intronati (« Académie des Assourdis », fondée en 1525, académie qui doit son nom au projet de s’éloigner des bruits du monde pour cultiver les lettres), reprenant le surnom qu’il porte dans l’Académie elle-même.

 

 
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