(Traduit de l’italien par Christophe Carraud.)
L’UNIVERSITÉ DE FLORENCE rouvre ses portes alors que s’élève
encore dans le lointain, au-delà du Monte Morello, le grondement
des canons harcelant les hordes ennemies. Il y a
un peu plus d’un mois, dans cette ville qui est la nôtre et qui, plus
que jamais, nous est aujourd’hui éperdument chère, les ponts
sautaient, les tours s’écroulaient ; et dans ces rues que l’imagination
des visiteurs croyait faites pour se parer de fleurs, on combattait
au fusil pour déloger les assassins postés sur les toits, comme
une meute de bêtes. Nous vous remercions, mon Général2, et nous
remercions en vous le Gouvernement militaire allié, d’avoir permis
que dans cette ville du front arrière, parcourue encore par les
colonnes de chars de combat, dans cet air tourbillonnant d’une
guerre livrée à nos portes, l’université rouvre ses salles et renoue
avec ses études pacifiques. Nous comprenons qu’en permettant
cela, vous avez voulu nous donner une preuve de confiance et
d’amitié.Vous avez vu, à l’attitude qu’a montrée Florence dans les
semaines précédant sa libération, que ce peuple est capable,
même sous les canonnades, de poursuivre son travail avec une
fermeté virile, et que les épreuves les plus difficiles n’affectent pas
la clarté consciente et mesurée de son antique sagesse. Ainsi avezvous
compris, au moment où la bataille se poursuit à quelques
kilomètres de nous, que ce ne sera pas un obstacle pour vous si
les professeurs et les étudiants renouent ici, dans la liberté recouvrée,
avec leur oeuvre de civilisation. Sans doute tous nos jeunes
gens, tous les jeunes qui reprennent aujourd’hui gravement leurs
études, auraient-ils rêvé d’autre chose : tant que durera la guerre,
tant qu’il y aura encore en Italie et en Europe un Allemand à
débusquer et à détruire, leur voeu à tous serait de poursuivre en
armes, aux côtés de vos armées victorieuses, l’ennemi commun,
jusqu’aux frontières de notre patrie, et au-delà encore ; mais si
cela ne leur est pas permis, si le corps italien, modeste mais déjà
glorieux, qui combat à vos côtés est trop réduit pour accueillir
tous les coeurs italiens qui voudraient y servir, les jeunes savent
qu’ici aussi, avec à nouveau des livres en main à la place des
fusils, on peut s’acquitter en ce moment même de son devoir, et
servir la cause de notre pays et de la liberté : et vous verrez, je
m’en porte garant, que depuis les tout derniers jours, si nos
coeurs se tournent vers la terre où se livrent les combats et où
d’autres villes d’Italie attendent encore sous le joug l’heure de la
liberté, nous saurons ici, absorbés dans le recueillement de notre
lutte active, travailler avec ardeur de la seule manière qu’en cette
heure le destin nous autorise.