OÙ DEVRAI-JE ACCOUCHER ?

 

QUAND nous avons appris que j’étais enceinte, en octobre
2008, la première question qui vint à notre esprit ne fut
pas — comme c’est le cas dans n’importe quelle partie du
monde — le sexe ou le prénom du bébé ; non, ce fut : « où vais-je
accoucher ? ».Vous vous demandez sans doute pourquoi ce souci ?

Voici : je possède une carte d’identité «West Bank » ; bien
que ce soit une carte palestinienne, elle est délivrée par les
seules Autorités d’Occupation Israéliennes (AOI), et elle spécifie
que je vis à Ramallah. Une telle carte d’identité fait que j’ai
besoin d’une autorisation spéciale pour voyager hors de Ramallah.
Par exemple, si je veux aller à Naplouse, je ne peux pas
prendre ma voiture sans un permis spécial des AOI ; si je veux
me rendre à Jérusalem, je dois disposer d’une autorisation spéciale
pour passer — à pied uniquement — le point de contrôle
avant Jérusalem. Je possède heureusement ce permis, car je travaille
pour le « Negociations Support Unit » qui conseille l’Organisation
de Libération de la Palestine dans le domaine de la communication.
Mais, on l’a vu, ce permis a des limites : je peux
seulement traverser à certains points de contrôle et à pied ; ainsi
je ne suis pas autorisée à l’utiliser pour aller à Gaza ou à Eilat,
ou pour voyager jusqu’à l’aéroport de Tel Aviv. Les limites sont
aussi temporelles : le permis doit être renouvelé chaque mois
ou tous les trois mois. De plus, je dois respecter un horaire (de
5 heures à 19 heures) et des dates, il n’est pas valable un jour de
fête juive ou si Israël décide d’imposer le bouclage des territoires
occupés palestiniens (OPT) ; de sorte que nous ne pouvons
rien prévoir avec quelque certitude. En d’autres termes,
toute notre vie est entre les mains des décisions politiques de
l’occupant ou du comportement du soldat israélien au point de
contrôle. Juste un exemple : quand la guerre israélienne débuta
à Gaza en décembre 2008, je devais faire, à Jérusalem, une présentation
de la situation à un groupe de Juifs canadiens. J’ai
garé ma voiture avant le point de contrôle et commencé à traverser
à pied lorsque le soldat a crié après moi, très en colère
(comme si nous étions ceux qui ont tué des centaines d’enfants
et de femmes israéliens les jours précédents à Gaza) et m’a
intimé l’ordre de revenir. Je n’ai ainsi pas pu faire cet exposé.