LIMINAIRE.

CHRISTOPHE CARRAUD.

 

COMPROMIS : le mot paraît dangereux, glissant, et ne s’envi-sage pas sans méfiance. Il annonce, dirait-on, une sorte de démission, un abandon, le relâchement d’une totalité intègre ou rêvée. Et en effet il suppose la considération d’un ordre autre que l’univers propre où se meuvent mes désirs, et me fait toucher l’irréductible présence d’un monde que je ne détiens pas, et qui m’oblige à des accommodements. Quelque chose d’autre fait face, peut-être même une pluralité de désirs et de volontés, reliés entre eux, pour l’instant, par la seule effectivité de cet objet encom-brant — appelons-le « monde », en effet — que nous recevons et qu’il se trouve que nous habitons également.L’on se tromperait en pensant que compromettre pèse en nous comme une condamnation, comme si c’était un malheur, et non pas une chance, de devoir composer avec le réel. Mais il ne s’agit pas d’un arrangement, ou plutôt il ne s’agit pas seulement d’une opération à deux termes qui parviendraient tant bien que mal à se rejoindre ; l’idée d’équilibre ou de tempérament peut suffire pour désigner ce travail d’être, comme elle suffit à décrire le débat de l’homme intérieur et de l’homme extérieur, du travail et du repos, et de tous ces couples de notions qui n’ont pas primitivement besoin, pour se comprendre, de l’horizon d’une communauté.

 

 

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