Pouvez-vous dormir dans la position
où vous êtes, ne voyez-vous pas les
dangers qui vous menacent ?
Virgile.
A quoi est-on d’abord sensible dans les œuvres de Patrice Giorda ? À une intensité, et à une inquiétude. Les catégories que le peintre met en jeu sont moins esthétiques que dramatiques. S’agit-il de paysages, de vues, dans ces puissants lavis, on découvre une tension, une sorte de conflit qui nous instruit moins d’une histoire privée (le couvent des Lazaristes, sur la colline de Fourvière, où se déroulèrent les années de collège) que de l’irruption dans toute histoire simplement humaine d’un grand débat d’ombre et de lumière, de terre et de pitié. Des forces profondes s’agitent et s’opposent à chaque instant de la vie ordinaire ; Icare prend son essor sur une balustrade lyonnaise. Il va sombrer dans la lumière. Et tous, nous nous mouvons sous son tranchant : son éclat impitoyable est jugement et vérité. Qu’est-ce qui tiendra, dans les jours que nous vivons, des apparences comme passées au feu ? Nous savons seulement qu’il y a une grande souffrance, et qu’elle peut être un salut. Tant d’intensité doit avoir une issue au-delà de l’image ; cette lumière cuisante n’appelle que la compassion pour la douleur à venir : une autre ville s’enfantera de celle-là, d’autres arbres, d’autres degrés brûlants qu’il faudra gravir sans vouloir forcer le destin.