LE COMPROMIS DÉMOCRATIQUE.
C’est l’amour de la vérité qui m’a appris la valeur des compromis.
Gandhi.
DEPUIS les Lumières, les démocraties ont cherché à maîtriser les passions humaines soit par le jeu des intérêts contradictoires — avec le marché —, soit par la conclusion d’un contrat social et l’expression de la volonté générale — à travers le suffrage universel et la loi. Ces deux modes d’élaboration de compromis , qui cherchent à pacifier la compétition pour la détention du pouvoir et des richesses, ont donné naissance aux deux traditions qui se réclament du libéralisme : l’utilitarisme, qui, de Bentham à Frédéric Hayek en passant par James Mill et Adam Smith, entend laisser émerger le bien public de la confrontation des intérêts privés1; le courant de pensée qui, de Montesquieu à Raymond Aron en passant parTocqueville et Élie Halévy, revendique l’autonomie du pouvoir politique qu’il cherche à encadrer pour le réconcilier avec la liberté2. Les deux écoles font dépendre la démocratie d’une rationalité procédurale : la rencontre de l’offre et de la demande dans un cas ; la séparation des pouvoirs dans le second. Mais leurs positions vis-à-vis des valeurs est très différente : le marché est une mécanique de fixation des prix qui peut tout produire, excepté des principes ; le libéralisme politique repose sur une dialectique fragile entre la pluralité des nations et l’égale dignité des individus, la contingence d’une histoire conflictuelle et l’universalité de certaines valeurs, notamment les droits de l’homme.
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