BÂLE, STRASBOURG ET MAYENCE.

LA figure de Daniel Halévy (1872-1962) est nombreuse, changeante : pour ceux qui l’ont connu, ou qui connaissent encore aujourd’hui ses livres, son nom évoque aussi bien le directeur des Cahiers Verts publiés par Bernard Grasset dans l’entre deux-guerres que le biographe précis, insistant de quelques grands auteurs, Proudhon, Nietzsche, Péguy, ou encore l’historien de la Troisième République. Il apparaît aussi, dans d’autres ouvrages, son Vauban, son Michelet, ses précieuses Visites aux Paysans du Centre, appuis inattendus donnés entre 1922 et 1928 à l’historiographie universitaire, comme l’un des dépositaires privilégiés du mythe français.

Sous ces dehors officiels et d’ampleur très certaine, il y a comme souvent une manière de secret, de vocation silencieuse, qui laissait interdits jusqu’à ses proches : une grande confiance dans l’expérience et la maturation qu’elle suscite, un désir puissant d’appréhender le monde dans tous ses aspects, et particulièrement celui du travail. On n’ouvre pas ses livres sans discerner aussitôt une personne, un souffle. Sa cul-ture, immense, est vivante, et très évidemment l’a fait vivre. Mais elle s’est nourrie des hommes autant que des textes et des concepts, et semble ne s’être construite que pour être mieux distribuée. Il y a quelque chose en lui d’un juste qui a répondu des dons de l’esprit, et c’est à cette vaste mémoire, d’ailleurs inépuisable, qu’on aimerait parfois recourir pour parler du présent.

 

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