LE PHILOSOPHE

À la mémoire de mon père, philosophe et guide.

IL EST UNE EXPÉRIENCE a priori qui permet et détermine les autres expériences dans leur multiplicité relative1. Cette expérience a priori dans le champ du religieux et dans le champ du poétique est donnée mais pour la philosophie, il en va différemment à cause de son vide. Ce n’est que philosophiquement que l’expérience a priori est initialement vide. Dans le champ du religieux, elle n’arrive à l’être que dans les confins, on ne sait pas si on l’atteint. Le mystique s’offre, il cherche le vide ; mais l’expérience religieuse est excessive parce qu’elle est terreur, peur et amour entrelacés.

L’expérience poétique est un plein et un vide d’insuffisance. La poésie n’est jamais suffisante bien qu’elle soit excessive. C’est de là que vient sa souffrance, sa manière de souffrir du temps et de la parole, son angoisse à la fois de l’anéantissement et de la splendeur. Sa joie constitutive, toujours hédoniste, toujours portant le visage de l’hédonisme : sa libre chevelure, ses étoiles brillantes, son ciel mobile. Le ciel de la présence est mobile et c’est de là que vient sa recherche passionnée de l’étoile fixe — Sirius plutôt que l’étoile polaire, l’autre pôle.