La paix ressemble de plus en plus à la guerre.
Maurice Chappaz.
Tout bouge : il n’y a pas de commencement, mais une mouvance.
PLUS que toute autre réalité humaine, mais avec cette assurance indifférente et butée qui imprègne chaque forme de conflit, la guerre est placée sous le signe de la contradiction. On la ren-contre sous toutes sortes d’apparences : jouant de l’extraordinaire écheveau qu’elle emmêle dirait-on à plaisir, elle se montre ici, se dis-simule ailleurs, mais c’est toujours le même feu qui couve et se pré-serve, et parfois brûle davantage sous le gris de la cendre. Il y a des paix mauvaises, bien sûr, mais c’est parce que la guerre ne s’oppose pas à la paix. Elle réactive compulsivement la même condamnation, à sa façon parle d’un espoir, s’élève bruyamment vers lui, et le rap-porte souillé à l’état des choses que le dernier instant du conflit a pris soin d’établir. Un dernier instant, qui n’est cependant rien de décisif, et rempli encore de pièges et de hasard. La guerre est sans résolution. Sa nature se répand, la politique l’a contractée, et trop d’ordres divers, appartenant à la même espèce qu’elle, soutiennent son prestige et accroissent son avidité.
La guerre est une certitude, mais de celles où nous n’entrons pas vraiment, à moins qu’il ne faille dire : auxquelles nous ne pou-vons ni ne voulons réellement échapper. Ici nous sommes tout ensemble invités et exclus. — Elle ne libère rien, et cependant, têtue et retorse, elle mime à chaque fois le mouvement d’une libé-ration ; c’est sans doute que quelque chose par elle se déchaîne, qui nous fait être, mais à un niveau si profond qu’il fonde en nous la culture, l’histoire, la conscience même ; et ce « quelque chose », qui nous est indéfiniment antérieur et actuel, comme tout ce qui excède notre passage, il nous est impossible de le regarder en face. Ce n’est pas la puissance de l’hypocrisie, dont une volonté plus tendue viendrait à bout, éraflant de masque en masque une part du vrai : mais celle du mystère, ou bien du mythe.