Pleines marges avec une gravure signée de Marlyne Blaquart
Peintre de paysages et de natures mortes, Marlyne Blaquart pratique un art discret, et l’on voudra bien se souvenir que cet adjectif, à côté de son sens courant comme de son sens étymologique de « discernement », peut signifier « qui témoigne de retenue, de réserve ». La nature qu’elle représente paraît intacte, presque toujours exempte de tout signe qui rappellerait l’activité humaine : pas de routes, à peine des chemins, pas de poteaux télégraphiques ou électriques, pas de véhicules — et quand un bâtiment paraît, c’est au loin ou noyé dans la verdure. Pour autant, ces paysages sont très réels, décrits avec précision, aucunement oniriques. On retrouve cette justesse dans les natures mortes de l’artiste, pour lesquelles un seul fruit suffit souvent, la composition important moins que la recherche d’une certaine qualité de présence par la saisie de subtiles variations de couleurs : d’une sorte d’évidence sensuelle qui accomplirait parfaitement l’acte de peindre. Les deux auteurs de ce livre s’attachent à comprendre le sens d’une telle recherche, qui assurément paraît hors des sentiers battus aujourd’hui.
La collection En regard vise à faire connaître au public, dans des livres particulièrement soignés, des peintres contemporains attachés à la figuration par un choix d’une soixantaine de reproductions accompagné de deux textes adoptant des points de vue sensiblement différents. L’idée générale n’est pas de défendre la figuration en un temps où elle pourrait paraître « dépassée » — son glorieux passé parle assez pour elle —, mais de montrer, sur pièces, qu’elle recèle toujours des ressources merveilleuses, qu’à vrai dire elle n’a cessé de receler. Et qu’elle n’a jamais connu de dernier mot. Puis, si l’on considère avec inquiétude que tout ce qui pouvait, dans les arts visuels, être détruit ou ridiculisé, l’a été, et même avec surabondance — ce qui n’est très probablement pas sans conséquence sur la qualité du regard que nous portons sur le monde et, par suite, de notre présence en son sein —, la situation ne peut être tenue pour irrémédiable, et la moindre nature morte ou le moindre paysage de qualité aperçu dans un musée renoue d’un coup un fil qui jamais ne saurait être tout à fait rompu, la nature, les prés, les arbres, les collines, l’horizon, les choses mêmes s’entêtant à conserver intactes formes et couleurs — obstination difficile et menacée, du reste, par les données les plus concrètes de la réalité. Et c’est toujours une joie singulière de les retrouver vraiment reconnues et correctement traitées : de les savoir aimées.