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LES SPÉCIALISTES ont proposé de nombreuses définitions synthétiques et métaphoriques du procès : un actus trium personarum; un rapport juridique (Rechtsverhältnis); une situation juridique (Rechtslage) ; un jeu ; un rite ; un mystère ; une aliénation;sivis,unecontagion —etc. Quoi qu’il en soit, il s’agit toujours de substantifs abstraits. Mais est-il possible de concevoir le procès (aussi) comme une chose matérielle, ou un phénomène physique : visible, audible, tangible, flairable, peut-être comestible ? La métaphore de l’horloge détraquée, rappelée dans le chapitre précédent, renferme implicitement une réponse positive. Mais je crois que celle-ci se laisse aussi reprendre en des termes généraux.
Pour le constater, il suffirait d’aborder un avocat dans le couloir d’un tribunal, et de lui demander ex abrupto de nous montrer « un procès ». Incidemment, l’expérience nous permettrait aussi de comprendre quelle sorte d’avocat est notre interlocuteur. Car un pénaliste nous introduirait dans une salle où se déroulent les débats d’une audience, en nous invitant à regarder et à écouter. Un civiliste — après traduction mentale de «procès» dans le (quasi) synonyme « cause » — nous inviterait en revanche à l’accompagner dans un greffe, pour nous faire voir, et peut-être toucher, quelques-uns des dossiers infinis qui y sont entassés.
En termes théoriques, il serait évidemment facile, et même inévitable, de rapporter cette alternative à l’opposition entre « procès oral » et « procès écrit ». Mais — comme l’écrivait Bruno Schulz en éclairant le concept d’« Authentique » — « nous ne voulons pas fatiguer le lecteur par l’exposé de la Doctrine ».