De l’ontologie de la « droite » et de la « gauche »

Présentation

Malgré quelques ouvrages traduits en français au cours des vingt dernières années1, l’œuvre philosophique de Robert Spaemann (né en 1927 à Berlin) est loin d’avoir reçu dans le domaine francophone l’attention qu’elle mérite. C’est pourquoi il nous a paru opportun de proposer une traduction du texte intitulé « De l’ontologie de la “droite” et de la “gauche” », où certains traits majeurs de la pensée de Spaemann se trouvent esquissés. Disons-le d’emblée, le titre de l’article ne reflète que très imparfaitement son contenu: comprendre ce qu’il en est de la « droite » et de la « gauche » ne constitue pas, en effet, l’objet central de la réflexion de Spaemann dans ces pages, mais apparaît plutôt comme le sous-produit d’une réflexion générale sur la modernité et sur ce qui, selon l’auteur, en constitue un des traits dominants — à savoir l’abandon d’une conception téléologique de la nature, avec les immenses conséquences qu’un tel abandon entraîne, non seulement dans les rapports que les hommes entretiennent avec le monde, mais aussi dans leurs rapports mutuels et dans la façon qu’ils ont de se comprendre eux-mêmes. 

Dans « De l’ontologie de la “droite” et de la “gauche” », Spaemann expose ses thèses sur la pensée téléologique au pas de charge — ce qui laissera à certains lecteurs l’impression d’une réflexion trop rapide, qui demanderait à être davantage développée et étayée. Pour un exposé plus complet, ils pourront se reporter à la référence majeure qu’est l’ouvrage écrit par Spaemann et Reinhard Löw, Die Frage Wozu? Geschichte und Wiederentdeckung des teleologischen Denkens [« La question “à quelle fin”? Histoire et redécouverte de la pensée téléologique»] (Munich, Piper, 1981). Ils pourront également consulter, en français, le numéro de la revue Études phénoménologiques intitulé « Phénoménologie et philosophie de la nature2 », dirigé par Jacques Dewitte qui, outre une remarquable présentation des réflexions de Robert Spaemann, Hans Jonas, Thure von Uexküll et Adolf Portmann autour de la question téléologique, offre avec Pierre Destrée une traduction du texte de Spaemann intitulé«Téléologie de lanature et action humaine».L’article ici proposé est, comme on l’a dit, bien trop court pour que toutes les thèses qu’on y croise s’y trouvent suffisamment justifiées. Mais il a aussi ce grand avantage d’exposer, de manière alerte et condensée, certains aspects essentiels de la pensée de Spaemann, propres à nous éclairer sur notre situation.