Pensées des Lettres

 

Présentation. 

En 1958, deux ans après la mort de Giuseppe Capograssi, Enrico Opocher (1914-2004), aidé de quelques amis, rassemblait des extraits de lettres du maître si doux et si discret dont il avait été l’élève. Le volume parut à Rome, chez Studium. 

Sans doute faudra-t-il revenir sur la figure d’Opocher et sur sa philosophie du droit, qui doit beaucoup à Capograssi et à Salvatore Satta. Mais pour l’heure, écoutons simplement la voix de l’hommage et de la reconnaissance, tels qu’Enrico Opocher les exprime dans sa préface au recueil, avant d’entendre celle de Capograssi lui-même. 

Le philosophe passait un temps considérable à recevoir chez lui toutes sortes de gens, des plus simples à ceux qui le sont beaucoup moins. Il les écoutait. Écrivait à certains des mots généralement brefs, sans chercher le moins du monde à se regarder écrire (du reste, même son œuvre de philosophe n’est telle que post rem, pour ainsi dire : il y avait à travailler, voilà tout, à comprendre, à vivre avec autrui, rien d’autre.) Il mettait en pratique, avec une rare cohérence et un dévouement immédiat et sans question, ce qu’il écrivait en 1920 dans une lettre à sa fiancée, Giulia Ravasi : « Les différences sociales ne deviennent que des différences extérieures, qui ne peuvent pas influer sur le jugement, sur l’évaluation essentielle de la valeur des hommes, en soi. La valeur des hommes, dans l’Évangile, se voit à ce que les hommes pensent : c’est-à-dire au degré de lumière que les hommes accueillent dans leur esprit. L’homme vaut autant que vaut son âme, et son âme vaut autant que vaut la lumière qui l’inspire, la loi qu’elle suit, le but où elle se dirige. La différence entre les âmes est la seule différence véritable qu’il y ait entre les hommes » (Pensieri a Giulia, Milan, Giuffrè, vol. II, 1979, p. 54). 

Le choix discret qu’a fait Opocher viendra compléter pour le lecteur la traduction que nous lui avons présentée des lettres de Giuseppe Capograssi à Salvatore Satta (Conférence, no 39, automne 2014, pp. 443-509). 

Ce recueil de pensées tirées des lettres de Giuseppe Capograssi veut être un acte de témoignage ému. Le témoignage de quelques disciples et amis qui eurent la chance de lui être particulièrement proches — mais plus que de chance, il faudrait parler de destin et, mieux encore, de Providence, comme chacun de nous peut s’en apercevoir maintenant qu’il n’est plus là et que nous pouvons mesurer à la lumière de cette « véritable poésie de la vie » qui, comme il l’écrivait, accompagne toujours la fin des choses, ce qu’a signifié et signifie pour notre existence de l’avoir rencontré — à l’heure où il convient de présenter à ceux qui aborderont sa pensée dans la pureté du cœur quelques thèmes de leur expérience inoubliable. 

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