DANS SES QUADERNI (1), Salvatore Satta rapporte le testament d’un de ses amis, le juriste Walter Bigiavi, au moment où il apprend sa mort :
Bologne, 24 mai 1966.
[...] En ce moment si pénible, je confirme à ma chère épouse qui me fut toujours proche et m’a toujours compris et supporté, mes dernières volontés :
je désire être enseveli selon le rite civil ; je désire être incinéré ; je désire que, si possible, mes cendres soient dispersées.
Mes funérailles auront lieu de bon matin, sans présence étrangère en dehors de mes proches et d’un ou deux amis qui les assisteront.
On ne fera aucune annonce de ma mort.
« Mes » revues ne parleront pas de moi. Je serais reconnaissant aux journaux et aux autres revues d’observer un silence hermétique. On ne me rendra aucun hommage, de quelque type qu’il soit ; il n’y aura aucune commémoration. Mes écrits ne seront pas recueillis ; ils peuvent avoir eu quelque importance au moment de leur publication, mais ils sont désormais dépassés et, de toute façon, tous, à l’exception d’un seul — totalement dépassé — se trouvent aisément.
J’ai terriblement souffert dans ma vie, et, surtout en ce moment, ma pensée se tourne avec émotion vers mes pauvres parents et leur sort effrayant. De même qu’il n’est rien resté d’eux, il ne restera rien de moi : cupio dissolvi. [...]
Satta commente fort bien cette prose amère et désespérée. Il la commente en ami. « On ne devrait rien ajouter. Il faudrait que chacun, dans le silence de son cœur, interprète ce document. » Difficile, bien sûr, de ne pas référer les mots de Bigiavi à l’histoire propre d’un homme et de sa lignée.
1 Salvatore Satta, Quaderni del diritto e del processo civile, Padoue, Cedam, II, 1969, pp. 183-185, ici p. 183.
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