Leçons élémentaires

Monologue sur le maître Gabriele Minardi. 

 

« Et celui-ci c’est Dutto, je le vis quelquefois
il y a des années, au temps du lycée,
se promener sous les portiques de la via Roma.
Il marchait tranquille en chantant, non comme un fou
ni pour faire l’intéressant, mais comme qui étudie le chant.
Il avait une belle voix de baryton,
elle résonnait sous les voûtes comme dans une cathédrale.
Au ton qu’il prenait et à sa tenue, je crois qu’il chantait à l’église. Sur le banc, il s’asseyait à côté de...
celui-ci, tu vois, sur le premier banc,
mais c’est une photo composée, arrangée par le maître ;
vois comme on s’élève vers ceux qui sont en haut, au fond de la salle... tous l’air émerveillé par la machine,
et lui, derrière eux, un peu Steve McQueen un peu Gino Paoli (1), avec ses lunettes à monture épaisse,
regardait dehors, vers la fenêtre et la cour, et vers le ciel ouvert, fermant de ses épaules le cercle de la classe,
comme pour la protéger sous deux grandes ailes éployées
tandis qu’il regardait au delà de l’horizon...
Celui-ci c’est Chirilli, je ne sais pas son prénom, 
et à côté son jumeau, Chirilli je ne sais comment, 
c’étaient les enfants d’un officier vivant à la caserne,
Chirilli Giorgio, le jumeau le plus vieux...
On disait comme ça pour désigner le plus gros
Chirilli Giorgio, oui, je me souviens très bien, 
ma mémoire se réveille tout à fait en les voyant.
À droite, celui aux yeux mi-clos, c’est Odasso,
et à côté, avec ses verres épais, Sigismondi,
je crois que son père avait la boucherie où est maintenant Piero, 
ou plutôt était, s’il a pris sa retraite... 
« Pourquoi seulement des noms de famille ? » me demandes-tu.
Je parle de mes compagnons de classe,
de simples noms de famille, comme les grands footballeurs
ou les carabiniers et ceux qui ont la médaille du courage. » 
Le nom, puis, après une pause, le prénom. 

 

1 Chanteur et compositeur italien (né en 1934). [Toutes les notes sont du traducteur.]