L’EXISTENCE D’ARMES DE DESTRUCTION MASSIVE, RAISON OU PRÉTEXTE DE L’INVASION DE L’IRAK EN 2003 ?

DEVANT LE CHAOS QUI S’INSTALLE, les violences qui prévalent et les partitions qui menacent aujourd’hui l’Irak, on assiste à un double phénomène.

Des voix se font entendre pour faire porter la responsabilité de la situation actuelle sur les Occidentaux et leurs nombreuses interventions désastreuses en Irak. À commencer par les accords secrets franco-britanniques Sykes-Picot de 1916 revus par Georges Clemenceau et Lloyd George qui partageaient l’Irak en deux, suivis de la mise sous tutelle entre les deux Guerres mondiales et enfin des guerres menées contre l’Irak. Par une coalition de 27 États emmenés par les États-Unis en 1991 après l’invasion du Koweït, par les États-Unis et le Royaume-Uni en 2003 pour renverser Saddam au motif qu’il reconstituait son potentiel d’armes de destruction massive (armes nucléaires, biologiques, chimiques et vecteurs de lancement). Après dix ans de silence, les principaux acteurs de cette dernière décision reviennent sur le devant de la scène, pour se féliciter de leur politique et rejeter la responsabilité du chaos actuel sur le président Obama, responsable du retrait — précipité ou en tout cas prématuré — des militaires américains. L’ancien Vice-Président américain Dick Cheney et l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair ont parmi les plus véhéments, multipliant articles, conférences et anathèmes.

C’est dans le monde arabe qu’on trouve un deuxième phénomène : le regret de la période de Saddam Hussein, chez les minorités ethniques ou religieuses qui sont opprimées aujourd’hui par l’État islamique (EIIL). Et, chez les voisins arabes, la nostalgie de l’État laïc et pluriethnique de Saddam.

La situation serait-elle différente si, après le renversement de Saddam, on avait trouvé des stocks d’armes biologiques, des missiles balistiques dissimulés, voire des travaux avancés dans le domaine nucléaire militaire? L’intervention américano-britannique en aurait-elle été légitimée dans l’opinion publique occidentale et internationale? La présence des soldats américains et britanniques aurait-elle été perçue plus favorablement en Irak, le “nation building” se serait-il exercé dans des conditions plus propices ? Nous n’en savons évidemment rien. Mais cette question a le mérite de faire mesurer à quel point une décision prise avec une indéniable légèreté en 2003, sans réflexion poussée sur les lendemains de « victoire » militaire, résonne singulièrement aujourd’hui. Elle relativise cruellement les propos de George W. Bush s’exclamant le 1er mai 2003 : « Mission accomplie ! »

Dans la nuit du 19 au 20 mars 2003, les troupes américaines et britanniques envahissent l’Irak. Leur intervention n’est pas fondée sur une résolution onusienne, malgré les pressions du Premier ministre britannique Tony Blair. George W. Bush, en effet, ne veut plus reporter sa riposte aux attentats du 11 septembre 2001. Les soldats américains sont prêts, son Administration et l’opinion publique veulent la guerre et, sur le plan juridique, la Résolution 1441 du 8 novembre 2002 leur suffit. Blair est dans la situation inverse : son opinion est massivement hostile à la guerre, son Cabinet est divisé et Gordon Brown lui mène une guérilla sans merci. Mais son messianisme et son interventionnisme libéral, formalisés dans son discours de Chicago en 1999, le poussent à vouloir renverser Saddam Hussein.

En 2011, quand les derniers soldats américains quittent l’Irak, l’intervention américano-britannique s’est révélé un fiasco. Certes, Saddam a été renversé — et exécuté, mais ces sept années de guerre ont tué 179 soldats britanniques et 3 881 soldats américains et fait des milliers de blessés parmi les militaires, sans compter les centaines de milliers de civils irakiens. Et la guerre en Irak a coûté cher aux contribuables américains et britanniques. L’occupation américano-britannique, incarnée par le proconsul américain Paul Bremer, loin de jeter les bases d’une nouvelle démocratie, a détruit le tissu social irakien, jetant à la rue les anciens cadres baasistes civils et militaires1, qui ont trouvé dans l’État islamique l’occasion de reprendre du service et de se venger.

Mais le scandale qui entoure cette intervention vient du parfum de mensonge qui l’enveloppe. Sa justification publiquement avancée était la possession par Saddam Hussein d’armes de destruction massive, qui constituait une menace pour son peuple, la région, voire le monde. Or, une fois Bagdad prise et Saddam renversé, aucune arme de destruction massive ne fut trouvée. Nouvelle qui suscita la colère de la population au Royaume-Uni et des interrogations aux États-Unis, avivées par le fait que les responsables politiques n’ont à ce jour pas payé pour leurs erreurs. Bush et Blair ont été réélus respectivement en 2004 et 2005. Ils n’ont été ni jugés ni même contraints à démissionner. Si Tony Blair céda la place à Gordon Brown en 2007, c’était parce que le Labour pensait avoir de plus grandes chances de gagner les élections de 2010 avec Gordon Brown.

 

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