DEUX RÉPONSES À UNE ENQUÊTE SUR « LA RESPONSABILITÉ DU SCIENTIFIQUE »

EN 1954, LA REVUE DE PIERO CALAMANDREI, Il Ponte, lançait une vaste enquête sur « la responsabilité du scientifique », dont elle publia les premières réponses dans son fascicule de juin de la même année (sans doute y eut-il d’autres réponses, mais il semble que Il Ponte ait abandonné le projet de les publier). Ces réponses étaient signées de Massimo Aloisi, Edoardo Amaldi, Norberto Bobbio, Guido Calogero, Giuseppe Capograssi, Gustavo Colometti, Eugenio Garin, Arturo Carlo Jemolo, et Salvatore Satta. Ce qui avait donné l’idée de cette enquête, c’était « le cas Oppenheimer ».
Voici comment Il Ponte présentait son dessein : 

« Le cas du physicien Oppenheimer, qui, après avoir collaboré à la consruction de la bombe atomique, a été soumis à une enquête pour avoir hésité, en raison de considérations morales et humanitaires, face aux effrayantes perspectives ouvertes par les bombes thermonucléaires, a mis typiquement en lumière aux yeux du monde entier le tragique problème de conscience où peut se trouver le savant mené par sa recherche scientifique, qui ne vise qu’à la quête de la vérité, à des découvertes terrifiantes qui, traduites en pratique, peuvent servir au massacre et à la destruction du monde. Le point essentiel du problème a été mis plus encore en évidence par la décision que la Commission d’enquête a prononcée sur ce cas ces derniers jours, en reconnaissant d’une part la loyalty politique de l’intéressé, mais en lui interdisant de l’autre de continuer à travailler dans la recherche atomique, parce qu’il représentait un danger en raison de “son peu d’enthousiasme” pour la bombe H. La Commission, en somme, tout en ayant reconnu le caractère infondé de l’accusation portée contre lui, celle d’avoir fait obstacle au programme de la bombe H, a cependant jugé qu’il entrait dans la zone des hommes politiquement dangereux (la zone du security risk) pour des raisons négatives, c’est-à-dire pour n’avoir pas donné au programme “l’appui enthousiaste” qui aurait servi à accélérer la réalisation de l’arme thermonucléaire.