L’ÉTRANGE HUMANITÉ DU TRANSHUMANISME

 

DANS UN ARTICLE PARU EN 2004, Francis Fukuyama a caractérisé le transhumanisme comme l’idée la plus dangereuse de l’histoire de l’humanité. Il y présente, en introduction, le transhumanisme comme l’ambition de libérer l’humanité de ses contraintes biologiques, puis nous prévient ensuite qu’il est facile de sousestimer ce mouvement, que l’on pourrait voir comme un mélange de secte et de science-fiction. Il est vrai que certaines ambitions ou certaines pratiques, comme la congélation en attendant des jours meilleurs, peuvent faire sourire. Mais, c’est là le point fondamental de Fukuyama, l’ambition transhumaniste est déjà présente de façon implicite dans les programmes scientifiques actuels, et cette volonté de déconstruire le corps et la nature humaine est déjà à l’oeuvre dans différentes disciplines, allant de la biologie à la robotique, où des progrès rapides ont été accomplis.
Autrement dit, on peut parler d’une révolution du transhumanisme : le changement par l’homme de sa propre nature au travers d’outils et d’actions rendus possibles par la science et la technologie, est déjà en marche. Dans sa conférence « Où nous mène la techno-médecine ? »1, Laurent Alexandre, chirurgien de formation et entrepreneur dans le monde de la génétique personnelle, prévient que le « le fantasme transhumaniste va devenir au cours de ce siècle une réalité médicale ». La proposition transhumaniste relève de la prospective scientifique : elle illustre et projette des progrès actuels et spécule sur des progrès à venir. Il est donc facile de lui opposer une critique sceptique, mais ce serait — c’est la thèse de cet article — une voie trop facile qui ignore les vraies questions posées.