UNE INTERROGATION.
ON NE FORCE NI NE RÉDUIT, me semble-t-il, le propos de Christian Flavigny en le condensant en la thèse que la gender theory met fin à quelques siècles de consensus anthropologique : à la fois positif et symbolique, le concept de « genre humain », genus humanum, nous situait par référence à d’autres espèces vivantes mortelles (position qui n’excluait pas des passages imaginaires de l’une à l’autre, par métamorphose ou réincarnation, par exemple) ou immortelles (nos dieux et nos démons). La notion de gender, « registre préétabli en pays anglo-saxon » (Ch. Flavigny), disqualifie ce concept, d’une part en soulignant que cet Homme générique ignorait ou occultait la différence des sexes, d’autre part en définissant cette différence non tant comme une position dans le genre humain (un des donnés de notre destin anthropologique), que comme une disposition — et même comme une mise à disposition du « donné » (on choisira désormais son identité sexuelle, comme on choisira toute valeur), nouveauté dès lors inscrite dans un mouvement général de « libération » de l’humain censé s’éloigner ainsi du donné premier — la Nature — et approcher l’idéal d’autonomie que serait la Culture. Précisons encore un peu : ce que l’anthropologie considérait comme le donné inconditionnel de la condition humaine (la différence des sexes et ses transfigurations mythologiques), la gender theory y voit une disposition disponible de droit — de droit, donc non pas simplement dans l’imaginaire, mais aussi et d’abord dans le juridique.