CELA A COMMENCÉ PAR UNE LETTRE ENVOYÉE TRÈS LOIN, là-bas, en Afrique, comme une bouteille jetée à la mer. Il s’agissait de solliciter d’un oncle inconnu un article sur le thème de la frayeur, pour le numéro 9 de Conférence. Je n’avais en tête aucun visage, aucune idée précise ; juste un titre bizarre, Les Yeux de ma chèvre[1] — parce qu’il constitue, avec Sully, un des deux réflexes culturels suscités par mon patronyme. Que fallait- il espérer ? Une réponse est arrivée, chaleureuse, authentique, pleine d’un autre monde. La « frayeur » était une approche de sa mission qui ne satisfaisait pas mon oncle ; c’est au numéro sur la tradition qu’il apporterait sa contribution.
La première rencontre eut lieu dans le cadre très rural d’une église charentaise, pour bénir le mariage de ce neveu dont il venait avec joie de découvrir l’existence par le biais d’une coopération littéraire inattendue. Les liens ne devaient pas cesser de se tisser.
[1]Éric de Rosny, Les Yeux de ma chèvre. Sur les pas des maîtres de la nuit en pays douala (Cameroun), Paris, Plon, coll.Terre humaine, 1981.