LA JEUNESSE est un âge festif, si l’on en juge par la multitude de fêtes qui ponctuent la vie estudiantine. Le rythme modulable des études laisse suffisamment de temps pour que s’expriment en plénitude l’optimisme et le dynamisme juvéniles. Faire la fête, c’est rompre avec la monotonie et le poids du présent ; et à cette fin, la fête telle qu’on la conçoit dans les milieux d’étudiants doit être l’occasion de s’affranchir des règles habituelles qui ordonnent les comportements et les rapports sociaux. Que la fête n’obéisse pas à des normes propres serait cependant parler un peu vite. Il suffit d’observer ce genre de réjouissances pour s’en convaincre.
Voici donc un groupe d’amis qui décide de se retrouver un jour prochain pour une petite fête. On choisit le lieu des festivités, on s’organise pour que la soirée soit réussie, et l’on fait des courses. Prenant l’Ecclésiastique au pied de la lettre, « bonum vinum laetificat cor hominis », on achète en premier lieu ce qui convient à l’opération, sans lésiner sur la quantité, car on se souvient de banquets où, faute de l’essentiel, la fête a failli tourner court. On prévoit aussi quelques provisions de bouche, et juste avant les retrouvailles, on ôte de la pièce de réception les meubles et les objets qui pourraient pâtir de l’euphorie festive.
Le soir venu, les invités s’installent plus ou moins confortablement là où ils trouvent de la place. La chaîne Hi-Fi distille une musique d’ambiance ; on commence à boire en attendant les retardataires, pour s’égayer l’esprit. Dans la pièce animée par les fumées de cigarettes et les exhalaisons d’encens, les bouteilles peuplent peu à peu les tables basses où s’éventrent des paquets de gâteaux d’apéritif. Quand tout le monde est arrivé, on sert un plat micro-ondé dans des assiettes en carton ; mais les aliments solides n’ayant pas l’attrait de l’élément liquide, les verres se remplissent à nouveau.