L’équivocité du milieu : les paradoxes.
Que le terme de milieu soit équivoque, la liste de ses usages suffit à l’attester. Que ces significations multiples le destituent de tout sens cohérent, leur analyse oblige à le reconnaître, jusqu’à montrer que l’ambiguïté de fond qui en délite le sens provient de notre incapacité à concevoir correctement ce qu’engage la pensée de la relation. En effet, le mot vise d’abord en français « le lieu également distant des extrémités » (Littré), la moitié d’une droite, d’une surface ou d’un volume ; par extension, il sert aussi à dire la partie moyenne d’une durée, la moitié du jour par exemple. Le terme, en cet usage, est bien proche du latin medium (medium diei, en l’occurrence) ou du grec to metaxu. Mais son sens topographique, loin d’être clair et, a fortiori, susceptible d’éclairer ses usages figurés — quand nous nous disons au milieu d’une tempête — puis ses usages dérivés — quand nous parlons de la mer comme d’un milieu pour certains poissons —, est au contraire ambigu. Car nous parlons du milieu pour dire aussi bien ce qui est entre deux extrémités (l’entre-deux), que ce qui en est le centre, ou encore ce qui environne quelque chose ; par exemple, je peux parler du « milieu du jour » pour dire que ma journée de travail est à mi-course (et il peut fort bien être minuit), ou pour signaler le moment le plus éclatant de l’ensoleillement (nécessairement alors, il est midi), ou encore pour dési-gner la condition d’existence d’un animal (c’est le milieu diurne). Ce qui ne revient pas au même.