|
Quand l’ombre des grands arbres s’allongera déjà de notre côté, nous percevrons un instant, la hache levée, le bruit familier, à force d’être attendu, d’une maison que l’on bâtit un peu plus loin ; la maison invisible pour laquelle nous avons manié l’outil. Et toute la vie n’aura fait qu’un jour de travail. Un dernier coup, sourdement joyeux ; l’ouvrier glissera, les mains jointes sur son outil, et s’allongera doucement près de son ouvrage. Ses compagnons le porteront jusqu’à la maison inconnue ; il en franchira enfin le seuil, les yeux déjà fermés. Édouard Burnier, Dans des vases de terre. Journal. (17 octobre 1944.)
|
Première enfance.
Ma première enfance
au noir Risoud
entre citernes et pâturages,
la maison des douaniers
la frontière, les barbelés
de la guerre,
ou le bétail en transhumance,
tout cela remonte aujourd’hui
comme une lente respiration
dans ma mémoire.
À travers cette buée,
ignorant encore les barrières du temps,
ses lendemains ou sa durée,
l’éternité était en marche :
cette branche basse d’un sapin
qui me tenait déjà par la main.
*